« Mon travail se développe à la manière d’un répertoire de personnages constituant une sorte de famille à la fois recomposée et décomposée. Une forme d’interdépendance s’instaure entre les sculptures. Cela donne lieu à des narrations s’inscrivant dans une idée de temps et de durée et ainsi portant en elles une préoccupation constante pour la vie et la mort. Mon travail puise ses sources dans les rapports humains et les formes historiques de l’art ».
Pour Un Été Au Havre, Pier Sparta est invité à créer une œuvre présentée sur le parvis de l’Hôtel Dubocage de Bléville, où se tient durant tout l’été une exposition sur l’histoire du commerce triangulaire. Puisant dans son vocabulaire plastique souvent composé de matériaux naturels (terre, bois, cordes, etc) l’artiste a imaginé un grand vaisseau sculpté dans un tronc de chêne centenaire, issu d’une forêt normande. Sorte de grand Drakkar, cet inquiétant corps naviguant porte dans son ventre un groupe de personnages dont on peut lire les différentes expressions et de très forte émotion. On devine des femmes, des enfants, des hommes voguant vers une destination inconnue. Dans un style qui peut renvoyer au cubisme occidental, lui-même inspiré par les arts primitifs, l’artiste ne souhaite pas “illustrer” frontalement l’histoire de l’esclavage mais plutôt les forces d’une mer dévorante, immense et inhospitalière, impitoyable.
Pour Pier Sparta, il s’agit d’ « âmes piégées dans les vagues de l'océan ». Théâtre où se jouent depuis des siècles les drames extrêmes de nos existences, le vaisseau devient ici le symbole de l’arrachement -à la vie, à la terre, à la dignité, à l’humanité, etc.- pour livrer ces corps à eux-mêmes, injustement prisonniers d’un destin lui-même livré aux autres.
Ces tensions extrêmes et ces extrémités de l’existence sont un sujet récurrent dans les œuvres de l’artiste qui semble vouloir donner forme à des sensations et à des sentiments que le discours peine à prononcer avec justesse. Les figures et les objets qui habitent ses sculptures semblent bien plus issus de poèmes ou de visions qui laissent beaucoup de place à nos interprétations.